Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, s’est exprimé vendredi 8 décembre 2023, au Conseil de sécurité sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne.
Invoquant l’article 99, le Secrétaire général a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales, dans le cas d’espèce, l’opération militaire d’Israël à Gaza.
Depuis le 7 octobre 2023, les frappes israéliennes dans la bande de Gaza, ont tué plus de 17 000 Palestiniens. Cela comprend plus de 4 000 femmes et 7 000 enfants. Des dizaines de milliers de personnes auraient été blessées et beaucoup seraient portées disparues, vraisemblablement sous les décombres. Le groupe politico-militaire palestinien, le Hamas, a tué 1 200 personnes, dont 33 enfants, en blesser des milliers d’autres et prendre des centaines d’otages.
Remarques du Secrétaire général au Conseil de sécurité
Monsieur le Président,
Merci de convoquer cette réunion du Conseil de sécurité en réponse à ma charte du 6 décembre sur la situation à Gaza et en Israël.
Monsieur le Président, Excellences,
J’ai écrit au Conseil de sécurité en invoquant l’article 99 parce que nous sommes à un point de rupture.
Il existe un risque élevé d’effondrement total du système de soutien humanitaire à Gaza, ce qui aurait des conséquences dévastatrices.
Nous prévoyons que cela entraînerait un effondrement complet de l’ordre public et une pression accrue en faveur de déplacements massifs vers l’Égypte.
Je crains que les conséquences ne soient dévastatrices pour la sécurité de toute la région.
Nous avons déjà constaté les répercussions en Cisjordanie occupée, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen.
Il existe clairement, à mon avis, un risque sérieux d’aggraver les menaces existantes contre le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Le risque d’effondrement du système humanitaire est fondamentalement lié à l’absence totale de sûreté et de sécurité pour notre personnel à Gaza, ainsi qu’à la nature et à l’intensité des opérations militaires, qui limitent considérablement l’accès aux personnes qui en ont désespérément besoin.
La menace qui pèse sur la sûreté et la sécurité du personnel des Nations Unies à Gaza est sans précédent.
Plus de 130 de mes collègues ont déjà été tués, dont beaucoup avec leurs familles.
Il s’agit de la plus grande perte de vies humaines dans l’histoire de notre Organisation.
Certains membres de notre personnel emmènent leurs enfants au travail afin qu’ils sachent qu’ils vivront ou mourront ensemble.
Des collègues ont partagé des messages déchirants de la part de membres du personnel appelant à l’aide.
Le Secrétaire général adjoint au Département de la sûreté et de la sécurité m’a informé que tous les moyens possibles d’atténuer les risques pour le personnel à Gaza, à l’exception de l’évacuation, étaient fermés, en raison de l’évolution de ce conflit.
Je ne saurais trop insister sur le fait que l’ONU est totalement déterminée à rester et à apporter ses services à la population de Gaza.
Je rends hommage aux travailleurs humanitaires héroïques qui restent dévoués à leur travail, malgré les énormes dangers qui pèsent sur leur santé et leur vie.
Mais la situation devient tout simplement intenable.
Ce Conseil a appelé dans sa résolution 2712 à « intensifier la fourniture de ces fournitures pour répondre aux besoins humanitaires de la population civile, en particulier des enfants ».
J’ai le profond regret d’informer le Conseil que dans les conditions actuelles sur le terrain, l’accomplissement de ce mandat est devenu impossible.
Les conditions nécessaires à l’acheminement efficace de l’aide humanitaire n’existent plus.
Le point de passage de Rafah n’a pas été conçu pour accueillir des centaines de camions et constitue un goulot d’étranglement majeur.
Mais même si des approvisionnements suffisants étaient autorisés à entrer à Gaza, les bombardements et les hostilités intenses, les restrictions israéliennes sur les mouvements, les pénuries de carburant et les communications interrompues empêchent les agences des Nations Unies et leurs partenaires d’atteindre la plupart des personnes dans le besoin.
Entre le 3 et le 5 décembre, les deux jours précédant ma lettre, l’ONU n’a pu distribuer de l’aide que dans l’un des cinq gouvernorats de Gaza, Rafah.
Ailleurs, l’accès était impossible.
Les gens sont désespérés, craintifs et en colère. Dans certains cas, ils ont exprimé cette colère envers notre personnel.
Monsieur le Président,
Tout cela se déroule au milieu d’un cauchemar humanitaire qui prend de l’ampleur.
Premièrement, il n’existe aucune protection efficace des civils.
Plus de 17 000 Palestiniens auraient été tués depuis le début des opérations militaires israéliennes. Cela comprend plus de 4 000 femmes et 7 000 enfants. Des dizaines de milliers de personnes auraient été blessées et beaucoup seraient portées disparues, vraisemblablement sous les décombres.
Tous ces chiffres augmentent de jour en jour.
Les attaques aériennes, terrestres et maritimes sont intenses, continues et généralisées. Jusqu’à présent, ils auraient touché 339 établissements d’enseignement, 26 hôpitaux, 56 établissements de santé, 88 mosquées et trois églises.
Plus de 60 pour cent des logements de Gaza auraient été détruits ou endommagés – soit quelque 300 000 maisons et appartements.
Quelque 85 pour cent de la population a été contrainte de quitter son foyer.
On demande à la population de Gaza de se déplacer comme des flippers humains – ricochant entre des fragments de plus en plus petits du sud, sans aucune des bases de survie.
Mais nulle part à Gaza n’est sûr.
Au moins 88 abris de l’UNRWA ont été touchés, tuant plus de 270 personnes et en blessant plus de 900.
Les conditions dans les refuges sont surpeuplées et insalubres. Les gens soignent les blessures ouvertes. Des centaines de personnes font la queue pendant des heures pour utiliser une douche ou des toilettes.
Des familles qui ont tout perdu dorment sur des sols en béton nus, avec des vêtements qu’elles n’ont pas changés depuis deux mois.
Des dizaines de milliers de Palestiniens sont arrivés à Rafah ces derniers jours, submergeant les abris.
De nombreuses familles déplacées, notamment des enfants, des personnes âgées, des femmes enceintes et des personnes handicapées, dorment dans les rues et les espaces publics de la ville.
Monsieur le Président,
Deuxièmement, les habitants de Gaza manquent de nourriture.
Selon le Programme alimentaire mondial, il existe un risque sérieux de famine et de famine.
Dans le nord de Gaza, 97 pour cent des ménages ne mangent pas suffisamment. Dans le sud, le chiffre parmi les personnes déplacées est de 83 pour cent. La moitié de la population du nord et plus d’un tiers des personnes déplacées dans le sud meurent tout simplement de faim.
Les stocks alimentaires du PAM s’épuisent.
Dans le nord, neuf personnes sur dix ont passé au moins une journée et une nuit complètes sans nourriture.
La dernière minoterie en activité à Gaza a été détruite le 15 novembre.
Le PAM a fourni une aide alimentaire et monétaire à des centaines de milliers de personnes à travers Gaza depuis le début de la crise et est prêt à intensifier ses opérations.
Cependant, cela nécessiterait un accès efficace à toutes les personnes dans le besoin, et au moins 40 camions de vivres chaque jour, soit plusieurs fois le niveau actuel.
Monsieur le Président,
Troisièmement, le système de santé de Gaza s’effondre alors que les besoins augmentent.
Au moins 286 agents de santé ont été tués.
Les hôpitaux ont subi de violents bombardements. Seuls 14 sur 36 fonctionnent encore. Parmi eux, trois fournissent des premiers secours de base, tandis que les autres fournissent des services partiels.
L’hôpital européen de Gaza, l’un des deux principaux hôpitaux du sud de Gaza, compte 370 lits. Il héberge actuellement 1 000 patients et environ 70 000 personnes en quête d’un abri.
Il existe de graves pénuries de médicaments, de produits sanguins et de fournitures médicales. Le carburant nécessaire au fonctionnement des hôpitaux est sévèrement rationné. De nombreux patients sont soignés au sol et sans anesthésie.
Alors que des patients souffrant de blessures potentiellement mortelles continuent d’arriver, les services débordent et le personnel est débordé.
Dans le même temps, les conditions insalubres dans les abris et les graves pénuries de nourriture et d’eau entraînent une augmentation des infections respiratoires, de la gale, de la jaunisse et de la diarrhée.
Tout ce que je viens de décrire représente une situation sans précédent qui a conduit à ma décision sans précédent d’invoquer l’article 99, exhortant les membres du Conseil de sécurité à faire pression pour éviter une catastrophe humanitaire et appelant à la déclaration d’un cessez-le-feu humanitaire.
Monsieur le Président,
Nous savons tous qu’Israël a lancé son opération militaire en réponse aux attaques terroristes brutales déclenchées par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre.
Je condamne sans réserve ces attaques. Je suis consterné par les informations faisant état de violences sexuelles.
Il n’y a aucune justification possible pour tuer délibérément quelque 1 200 personnes, dont 33 enfants, en blesser des milliers d’autres et prendre des centaines d’otages.
Quelque 130 otages sont toujours détenus. J’exige leur libération immédiate et inconditionnelle, ainsi que leur traitement humain et la visite du Comité international de la Croix-Rouge jusqu’à leur libération.
Dans le même temps, la brutalité perpétrée par le Hamas ne pourra jamais justifier la punition collective du peuple palestinien.
Et même si les tirs aveugles de roquettes du Hamas sur Israël et l’utilisation de civils comme boucliers humains contreviennent aux lois de la guerre, une telle conduite ne dispense pas Israël de ses propres violations.
Le droit international humanitaire inclut le devoir de protéger les civils et de respecter les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution.
Le droit de la guerre exige également que les besoins essentiels des civils soient satisfaits, notamment en facilitant l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire.
Le droit international humanitaire ne peut pas être appliqué de manière sélective. Il s’impose à tout moment de manière égale à toutes les parties et l’obligation de le respecter ne dépend pas de la réciprocité.
Monsieur le Président,
La population de Gaza regarde vers l’abîme.
La communauté internationale doit faire tout son possible pour mettre fin à leur calvaire.
J’exhorte le Conseil à ne ménager aucun effort pour réclamer un cessez-le-feu humanitaire immédiat, pour la protection des civils et pour l’acheminement urgent d’une aide vitale.
Alors que nous traitons de la crise actuelle, nous ne pouvons pas perdre de vue la seule possibilité viable pour un avenir pacifique : une solution à deux États, sur la base des résolutions des Nations Unies et du droit international, avec Israël et la Palestine vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.
C’est vital pour les Israéliens, les Palestiniens ainsi que pour la paix et la sécurité internationales.
Les yeux du monde et ceux de l’histoire nous regardent.
Il est temps d’agir.
Merci.
Le Hautpanel
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