Les prélats catholiques, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), réunis en Comité Permanent à Kinshasa du 24 au 28 février 2020, en prévision du 3ème Congrès Eucharistique national qui sera célébré à Lubumbashi du 7 au 14 juin 2020, ont analysé la situation sociopolitique qui prévaut dans notre cher pays, la République Démocratique du Congo (RDC).
La Cenco a salué les réalisations obtenues par l’alternance démocratique et pacifique notamment, les initiatives des Gouvernants qui vont dans le sens du service du Peuple, notamment la mise en œuvre effective de la gratuité de l’enseignement de base, les efforts de régularisation de la paie des enseignants, les perspectives de lutte contre la pauvreté.
Ils notent également des avancées significatives sur le plan de la décrispation politique et de la libéralisation de l’espace médiatique.
Sur le plan diplomatique, le RD Congo retrouve progressivement sa place sur l’échiquier international.A cela s’ajoute la ratification de l’«Accord-cadre entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo sur des matières d’intérêt commun», au bénéfice du Peuple congolais.
Mais ces avancées ne cachent pas des innombrables problèmes auxquels font face la RDC qui ont été considérées comme des inquiétudes , un an après l’alternance au sommet de l’Etat. Selon la Cenco, ces crises multiformes surgissent et font planer des inquiétudes sur le changement social vivement attendu. En effet, une tension préoccupante qui couve au sein de la coalition au pouvoir, se répercute sur la gouvernance, et entame le fonctionnement de l’appareil de l’Etat. Les alliés semblent plus préoccupés par leur positionnement politique que par le service à rendre au Peuple qui continue à croupir dans la misère.
Beaucoup de problèmes auxquels le pays est confronté restent sans solutions adéquates, à cause de la crise qui mine la Coalition. Les évêques trouvent inacceptable que le pays soit pris en otage par un accord qui, du reste, est occulte.
La persistance de l’insécurité généralisée dans l’Est du pays, semée par des groupes armés locaux et étrangers, particulièrement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. On n’a jamais compté autant des morts en moins d’une année dans cette partie du pays, comme c’est le cas actuellement. L’insécurité s’étend aussi sous d’autres formes dans les grandes agglomérations du pays, ce qui donne l’impression que le Peuple est abandonné à lui-même.
Le manque du recensement de la population et la problématique d’occupation des terres entraînent des conflits intercommunautaires, spécialement dans les zones où la population redoute la balkanisation du pays.
Malgré la pétition initiée par la CENCO et l’Eglise du Christ au Congo (ECC), et qui a recueilli plus de deux millions des signatures, les élections locales qui devraient garantir la proximité et la redevabilité des Gouvernants à la base, semblent être renvoyées aux calendes grecques et les réformes souhaitées avant ces élections ne sont pas encore entamées.
Face à ce sombre tableau, les évêques de la CENCO appellent à un sursaut patriotique, l’essentiel est d’y mettre la bonne volonté et de s’y engager. La RD Congo intéresse plusieurs personnes à plusieurs égards, mais personne d’autre ne peut mieux reconstruire ce pays sans la participation de nous-mêmes Congolais au premier plan, ont-ils rappelé.
Ci-dessous l’intégralité de ce discours :
Conférence Episcopale Nationale du Congo
Présidence
3258-Kinshasa/Gombe
Tél. : +243998248699
Fax : +33172703031
E-mail : cencordc@gmail.com
République Démocratique du Congo
Coalition pour quel but ?
«On reconnaît l’arbre par ses fruits» (Mt 7,16)
Message du Comité Permanent de la CENCO aux fidèles catholiques et aux hommes de bonne volonté
PREAMBULE
Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), réunis en Comité Permanent à Kinshasa du 24 au 28 février 2020, toujours mus par notre sollicitude pastorale, nous sommes penchés, entre autres, sur le 3ème Congrès Eucharistique national qui sera célébré à Lubumbashi du 7 au 14 juin 2020 ; nous avons aussi analysé la situation sociopolitique qui prévaut dans notre cher pays, la République Démocratique du Congo (RDC). En tant que Pasteurs, nous veillons au bien-être de la population et nous accompagnons les institutions du pays ainsi que les acteurs politiques à s’acquitter consciencieusement de leur mission au service du peuple.
ACQUIS
Nous félicitons le peuple congolais d’avoir œuvré pour l’alternance au pouvoir comme expression de la démocratie ; la lutte, même au prix du sang, a été menée pour l’amélioration des conditions de vie et l’avènement d’un Etat de droit.
Nous saluons les initiatives des Gouvernants qui vont dans le sens du service du Peuple, notamment la mise en œuvre effective de la gratuité de l’enseignement de base, les efforts de régularisation de la paie des enseignants, les perspectives de lutte contre la pauvreté.
Nous notons des avancées significatives sur le plan de la décrispation politique et de la libéralisation de l’espace médiatique.
Sur le plan diplomatique, le RD Congo retrouve progressivement sa place sur l’échiquier international.
A cela s’ajoute la ratification de l’«Accord-cadre entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo sur des matières d’intérêt commun», au bénéfice du Peuple congolais.
INQUIETUDES
Un an après l’alternance au sommet de l’Etat, des crises multiformes surgissent et font planer des inquiétudes sur le changement social vivement attendu. En effet, une tension préoccupante qui couve au sein de la coalition au pouvoir, se répercute sur la gouvernance, et entame le fonctionnement de l’appareil de l’Etat. Les alliés semblent plus préoccupés par leur positionnement politique que par le service à rendre au Peuple qui continue à croupir dans la misère.
Beaucoup de problèmes auxquels le pays est confronté restent sans solutions adéquates, à cause de la crise qui mine la Coalition. Il est inacceptable que le pays soit pris en otage par un accord qui, du reste, est occulte.
En même temps, nous assistons à un enrichissement injustifiable et scandaleux d’une poignée d’acteurs politiques au détriment de la grande majorité de la population. La corruption et les détournements du denier public persistent. Le comble est que ces détournements sont l’œuvre de ceux-là mêmes qui sont appelés à être des garants du bien commun. Les mesures annoncées pour combattre ces maux demeurent sans effets.
Nous restons inquiets par la persistance de l’insécurité généralisée dans l’Est du pays, semée par des groupes armés locaux et étrangers, particulièrement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. On n’a jamais compté autant des morts en moins d’une année dans cette partie du pays, comme c’est le cas actuellement. L’insécurité s’étend aussi sous d’autres formes dans les grandes agglomérations du pays, ce qui donne l’impression que le Peuple est abandonné à lui-même.
Le manque du recensement de la population et la problématique d’occupation des terres entraînent des conflits intercommunautaires, spécialement dans les zones où la population redoute la balkanisation du pays.
Malgré la pétition initiée par la CENCO et l’Eglise du Christ au Congo (ECC), et qui a recueilli plus de deux millions des signatures, les élections locales qui devraient garantir la proximité et la redevabilité des Gouvernants à la base, semblent être renvoyées aux calendes grecques et les réformes souhaitées avant ces élections ne sont pas encore entamées.
Ce sont là les mauvais fruits (cf. Mt 7,17b ; 12,33). L’on peut se demander à quoi sert cette coalition au pouvoir !
Exhortation
Nous croyons en la capacité de notre pays à se relever. L’essentiel est d’y mettre la bonne volonté et de s’y engager. Il nous faut un sursaut patriotique. La RD Congo intéresse plusieurs personnes à plusieurs égards, mais personne d’autre ne peut mieux reconstruire ce pays sans la participation de nous-mêmes Congolais au premier plan.
C’est pourquoi nous exhortons :
Le Président de la République à :
Poursuivre les efforts pour la restauration de la paix dans les zones gagnées par l’insécurité ;
Œuvrer à la matérialisation des dispositions annoncées en matière de lutte contre la corruption ainsi que la dépolitisation de l’appareil judiciaire et de l’administration publique ;
Veiller à ce que les enquêtes amorcées sur les détournements de deniers publics ne soient pas un leurre, mais qu’elles aboutissent à des résultats palpables pour l’intérêt du pays ;
Veiller à la dépolitisation de la gestion des entreprises publiques en privilégiant la compétence. Les entreprises publiques ne sont pas des vaches à lait pour les regroupements politiques, mais plutôt des unités de production pour la Nation.
Les Elus du Peuple, à :
Etre sensibles aux peines, aux souffrances et aux aspirations profondes de la population, exprimée légalement, entre autres par des pétitions ;
Respecter les dispositions réglementaires de l’organisation de l’opposition au niveau de l’Assemblée nationale ;
Etre à l’écoute des forces vives du pays afin d’amorcer des reformes consensuelles nécessaires pour la consolidation de la démocratie.
Le Gouvernement, à
Faire de son mieux pour réaliser les prévisions budgétaires votées en vue de l’amélioration des conditions de vie des Congolais ;
Proposer, dans le meilleur délai, des réformes nécessaires et qui soient consensuelles, notamment de la CENI, de l’appareil judiciaire ;
Donner des signaux forts de la lutte contre l’impunité ;
Porter à terme le processus électoral en organisant les élections locales, gage de la démocratie à la base ;
Mettre en œuvre les mécanismes de recensement de la population dans un délai raisonnable.
La Communauté internationale à :
Etablir des relations justes dans un partenariat franc et sincère, et d’aider le RD Congo à trouver des solutions durables aux crises multiformes dans lesquelles elle se trouve.
Le Peuple congolais à :
Tenir bon et ne pas perdre espoir, car l’espérance ne déçoit jamais (Rm 5, 5) ;
Demeurer vigilant dans l’exercice du contrôle citoyen des institutions ;
Exiger les élections locales et les réformes y afférentes. Car c’est une voie indiquée pour le développement de notre pays ;
Cultiver la solidarité, la tolérance, le dialogue intercommunautaire pour la réconciliation et la paix en cas de conflits. La Nation ne peut se construire dans des conflits continuels ;
Se mettre au travail, à ne pas attendre des Gouvernants ce qu’on peut faire soi-même pour améliorer les conditions de vie.
CONCLUSION
La RD Congo n’est pas condamnée à rester toujours dans la pauvreté, dans la mauvaise gouvernance, dans la corruption, dans les violences et dans tant d’autres maux et antivaleurs.
Le Peuple attend, de la Coalition au pouvoir, l’amélioration de ses conditions de vie. Cela ne peut advenir qu’avec le changement de nos cœurs, de nos mentalités et de pratiques.
Mais, « si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs » (Ps 127,1). Ce temps de carême est pour nous un moment favorable de nous tourner vers le Seigneur et lui confier notre pays.
Que l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Reine de la Paix et Notre-Dame du Congo, soutienne nos efforts de conversion. Qu’elle consolide toute initiative de réconciliation, de justice et de paix dans notre pays.
Kinshasa, le 28 février 2020.
Les EVEQUES MEMBRES DU COMITE PERMANENT DE LA CENCO