Le Consortium anti-corruption composé d’organisations de la société civile et de l’Inspection Générale des Finances exprime ce vendredi 18 avril 2025, une vive inquiétude après les déclarations du Président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, demandant à la Cour constitutionnelle de « régulariser » la situation judiciaire du sénateur Augustin Matata Ponyo, mis en cause dans le scandale du projet agro-industriel Bukanga Lonzo.
Le Consortium considère cette prise de position comme une ingérence politique grave dans une procédure judiciaire en cours, en violation du principe fondamental de la séparation des pouvoirs.
La Constitution de la RDC, en son article 150, consacre l’indépendance du pouvoir judiciaire. En outre, l’article 12 garantit l’égalité de tous devant la loi.
En appelant à une intervention politique, le Président de l’Assemblée nationale fragilise les fondements de l’État de droit.
Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et principal responsable politique du projet Bukanga Lonzo, est accusé d’avoir causé des pertes colossales estimées à plus d’un milliard de dollars pour l’État.
L’Inspection Générale des Finances révèle que sur les 285 millions de dollars débloqués par le Trésor public, seuls 80 millions ont été effectivement affectés au projet. Le reste des fonds n’est pas justifié. Le projet Bukanga Lonzo devait impulser la modernisation de l’agriculture en RDC.
Son échec engendre des pertes multidimensionnelles pour la nation : une valeur ajoutée annuelle de 21 millions USD non réalisée, soit 210 millions USD sur dix ans ; des recettes fiscales non perçues, estimées entre 100 et 120 millions USD ; une perte de devises liée aux importations maintenues, variant entre 500 millions et un milliard USD ; l’absence d’effets multiplicateurs sur l’économie rurale ; et une perte cumulée estimée entre 800 millions et 1,1 milliard USD pour la République.
En outre, l’arrêt prématuré du projet prive le pays de plusieurs retombées : cotisations sociales, emplois, salaires, primes d’assurance et contrats avec des sous-traitants.
Le Consortium condamne fermement l’utilisation abusive de l’immunité parlementaire pour bloquer la justice.
L’article 107 de la Constitution ne protège pas contre des faits antérieurs au mandat parlementaire ni contre les crimes économiques.
Une telle instrumentalisation renforce l’impunité et sape la confiance des citoyens dans les institutions. Face à cette situation, le Consortium adresse plusieurs recommandations claires.
Il demande à la Cour Constitutionnelle de rester impartiale et d’appliquer la loi sans céder à la pression politique.
Au Parlement, il est recommandé d’engager une réforme pour limiter les immunités en cas de détournement ou de corruption.
À la Présidence, le Consortium appelle à réaffirmer l’engagement en faveur d’un État de droit où nul n’est au-dessus de la loi. À Augustin Matata Ponyo, il est demandé de se mettre volontairement à la disposition de la justice.
Enfin, à la société civile et aux citoyens, le Consortium appelle à rester vigilants et mobilisés pour exiger la vérité et la redevabilité.
Le scandale de Bukanga Lonzo illustre l’urgence de renforcer la transparence et le contrôle dans l’exécution des projets publics.
Il doit constituer un tournant décisif dans la lutte contre l’impunité des crimes économiques en République Démocratique du Congo.