Dans le cadre de son mandat, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en République démocratique du Congo assure un suivi étroit de la situation des droits de l’homme et procède à des analyses des tendances y relatives dans le pays. Ces tendances sont régulièrement partagées avec les autorités afin qu’elles prennent les actions nécessaires, y compris traduire en justice les auteurs présumés des violations des droits de l’homme documentées.
Du 1er janvier au 30 juin 2024, le BCNUDH a documenté 2.355 violations et atteintes aux droits de l’homme sur l’ensemble du territoire de la République démocratique du Congo ayant fait 6.309 victimes (4.109 hommes, 1.123 femmes, 489 individus de genre et åge inconnus, 588 enfants dont 295 garçons et 236 filles et 57 enfants de genre inconnu). Ce chiffre correspond à une réduction de 8% du nombre de violations et atteintes, ainsi qu’une augmentation de 15% du nombre de victimes documentés durant la même période en 2023. Cela représente également une baisse de 13% du nombre de violations et d’atteintes rapportées et documentées, ainsi qu’une baisse de 8% du nombre de victimes en comparaison avec le semestre précédent, indique un communiqué de cette agence des Nations Unies.
La situation sécuritaire dans les provinces affectées par le conflit au cours de la période en revue a été caractérisée par une montée de la violence armée entre la coalition FARDC/Volontaires pour la défense de la patrie (VDP)/Wazalendo et le M23 appuyé par les Forces armées Rwandaises. En outre, les groupes armés comme les ADF, la CODECO, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), les Mai-Maï, Nyatura et autres groupes armés ont été responsables de nombreux abus sur les populations civiles. Cette situation a occasionné des mouvements de populations ainsi de nombreuses entraves à la délivrance de l’assistance humanitaire aux personnes qui en ont besoin.
Au Petit-Nord, reste la partie du territoire la plus affectée avec 682 violations et atteintes aux droits de l’homme. Les groupes armés ont été responsables de 73,46% (501 cas) contre 82% durant la même période en 2023. En particulier les membres du M23 ont commis 212 atteintes, soit 31,09%, ceux des Nyatura 88 cas soit 12,9%, ceux des FDLR 56 cas soit 8,21% et deux de divers autres groupes armés 56 cas soit 8,21%. Au Grand Nord le BCNUDH a documenté au total 474 violations et atteintes aux droits de l’homme. Les groupes armés ont été responsables de (312 cas, soit 65,82%), notamment les ADF (152 cas soit 32%), les Maï-Maï (127 cas soit 26,79), et le M23 (17 cas soit 3,59%). Les agents de l’Etat sont quant à eux responsables de 162 violations, soit 34, 18% du total avec 78 violations soit 16,46% pour les FARDC, 38 violations, soit 8%, pour d’autres acteurs étatiques et 38 violations pour la PNC.
En Ituri, malgré la signature par les membres de groupes armés et leaders communautaires d’engagement de cessation des hostilités, les attaques contre les populations civiles ont persisté. Le BCNUDH a documenté 333 violations et atteintes aux droits de l’homme dont 290 atteintes soit 87%) commises par les groupes armés, en particulier la CODECO (142 cas soit 48,97%), les ADF (97 cas soit 29, 13%), le groupe Zaire (22 cas soit 6,61%). Les agents de l’Etat sont responsables de 43 violations des droits de l’homme (soit 12,97%).
Dans la province du Sud Kivu, le BCNUDH a documenté 257 violations et atteintes aux droits de l’homme. Les groupes armés sont responsables de 131 atteintes soit 51%, en particulier le groupe Raïa Mutomboki (61 cas soit 24%) et autres groupes Mai-Mai (37 cas soit 14,57%). Les agents de l’Etat sont quant à eux responsables de 123 violations (soit 48,9%) commises par des militaires des FARDC (90 cas soit 35,43%) et des agents de la PNC (21 cas soit 8,27%). Le territoire de Kalehe a été le plus affecté par ces atteintes aux droits de l’homme.
Dans la province de Tanganyika, le BCNUDH a documenté 174 violations et atteintes aux droits de l’homme. Les groupes armés ont été responsables de 71 cas soit 40,8% des abus des droits de l’homme notamment les Apa Na Pale avec 55 atteintes soit 31,61%, les Mai-Maï avec 14 atteintes soit 8%. Les agents de l’Etat sont responsables du plus grand nombre de violations des droits de l’homme durant la période en revue avec 103 cas soit 59,2%. Les militaires des FARDC ont commis le plus grand nombre de violations (36 cas soit 20,69%), divers autres agents de l’Etat avec 32 cas, soit 18,39%, les agents de la PNC avec 22 cas, soit 12,64%.
Pendant le premier semestre de l’année en cours, la situation sécuritaire relative au conflit intercommunautaire Mbole et Lengola dans la province de la Tshopo est restée préoccupante, caractérisée par un regain de violences malgré la présence des forces de défense et de sécurité.
Quant aux violences sexuelles, l’intensification des attaques des groupes armés pendant la période en revue et les déplacements massifs des populations fuyant les zones de combat a négativement affecté la documentation des incidents de violences sexuelles liées aux conflits. De janvier à juin 2024, le BCNUDH a documenté 181 incidents ayant affecté au moins 323 victimes dont 155 femmes, 161 filles, sept garçons et un homme, soit une augmentation de 6% en comparaison a la même période pour l’année précédente au cours de laquelle 257 victimes ont été documentées. Cependant, un nombre important de cas de VSLC restent sous-documentés en raison, entre autres, des craintes éprouvées par les victimes, la proximité des groupes armés et leur contrôle sur les communautés.
Au cours du 1 semestre 2024, la Section de la protection de l’enfant de la MONUSCO a documenté et vérifié 2,196 violations graves affectant des enfants dans le cadre du conflit armé en République démocratique du Congo, ce qui représente une augmentation de 197% par rapport au semestre précédent (238). L’augmentation du nombre de violations graves vérifiées au mois de juin est en partie due à une mission d’engagement menée en Ituri, qui a abouti à la libération volontaire de plus de 300 enfants des groupes armés non étatiques.
De janvier à juin 2024, le BCNUDH a poursuivi son appui technique aux autorités judiciaires nationales ainsi que le renforcement de leurs capacités. Deux missions d’équipes conjointes d’enquête ont été conduites dans la province du Sud-Kivu et cinq audiences foraines organisées dont deux dans la province du Sud Kivu, une au Nord-Kivu, une au Lualaba et une dans la province du Kasai. Des mesures de protection judiciaire ont également été mises en place pour 194 victimes et témoins, dont 97 femmes et une fille pour les JIT et pour au moins 174 victimes et témoins dont quatre filles et deux garçons pour les audiences foraines.
Durant le premier semestre de 2024, 238 personnes (234 hommes, deux femmes, un garçon et une personne dont l’âge n’est pas connu) sont décédées en détention soit une augmentation de 22% en comparaison avec l’année précédente (195). La province du Nord-Kivu a enregistré la majorité des décès en détention (88), suivi du Kwilu (62), du Tanganyika (40), du Kasai-Central (13), de l’lturi (10), du Haut-Katanga et du Kongo-Central (sept chacune), du Sud-Kivu (six), de Kinshasa (deux), du Haut-Lomami, du Lomami et du Kasai (une chacune). La surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de détention sont les principales causes de ces décès. Les mauvaises conditions de détention affectent la santé des détenus qui développent des maladies hydriques et respiratoires comme la tuberculose, la diarrhée et l’hépatite. A cela s’ajoutent l’insuffisance alimentaire et l’accès inadéquat aux soins de santé. Pour des raisons de sécurité, le BCNUDH a suspendu le monitoring physique au Centre pénitentiaire et de rééducation de Makala à Kinshasa.
La situation des droits de l’homme en lien avec l’espace civique est restée préoccupante au cours de la période en revue. Au cours de cette période, le BCNUDH a documenté au moins 84 cas de violations et atteintes aux droits de l’homme en lien avec l’espace civique. Ce qui constitue une diminution de 4% par rapport à la même période en 2023 (88 cas) et de 25% par rapport au semestre précédent (104 cas). Cette diminution s’explique entre autres par la fin du processus électoral qui avait conduit au rétrécissement de l’espace civique.
Pendant ce semestre, le BCNUDH a continué à soutenir les autorités nationales dans le cadre des activités visant à améliorer la situation des droits de l’homme. Au moins 123 activités ont été organisées sur l’étendue du territoire national avec la participation d’au moins 4.769 personnes (3.445 hommes et 1.324 femmes).
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