Quatorze ans après la catastrophe de Fukushima, le Japon s’apprête à relancer Kashiwazaki-Kariwa, la plus grande centrale nucléaire au monde.
La décision du gouverneur de Niigata, Hideyo Hanazumi, annoncée vendredi 21 novembre 2025, marque un tournant majeur dans la politique énergétique du pays, alors même qu’une partie importante de la population reste méfiante.
La centrale, exploitée par Tepco — l’opérateur de Fukushima Daiichi — est à l’arrêt depuis 2011. Son redémarrage serait le premier accordé à Tepco depuis la catastrophe, un symbole lourd pour un pays encore traumatisé.
Tepco affirme avoir transformé le site en véritable forteresse, avec une digue de 15 mètres face à la mer et des systèmes de secours repensés pour résister à de nouveaux tsunamis.
Pourtant, selon un sondage officiel, près de 70% des habitants de la région restent inquiets à l’idée de voir l’entreprise reprendre les opérations.
Du point de vue énergétique, le Japon n’a cependant plus beaucoup d’alternatives. L’arrêt du nucléaire après 2011 a laissé un vide immense : en 2024, le charbon et le gaz naturel assurent encore chacun environ 30% de la production électrique.
Les énergies renouvelables progressent, notamment le solaire qui atteint 10%, mais elles restent insuffisantes pour couvrir la demande, surtout dans un pays où la consommation électrique explose.
L’augmentation massive des besoins provient notamment des centres de données liés à l’intelligence artificielle et des usines de semi-conducteurs, essentiels à l’économie japonaise.
Pour répondre à cette pression, le gouvernement a révisé sa stratégie énergétique : il ne veut plus réduire la place du nucléaire, mais au contraire la maximiser pour atteindre 20% du mix électrique d’ici 2040. Certains réacteurs verront même leur durée de vie prolongée au-delà de 60 ans.
Malgré cette vision stratégique, l’opinion publique reste profondément divisée. À Niigata, 50% des habitants soutiennent le redémarrage, tandis que 47% s’y opposent.
Le spectre de Fukushima demeure très présent, d’autant que l’activité sismique reste élevée dans l’archipel.
Les opposants, appuyés par Greenpeace, rappellent le tremblement de terre du Nouvel An 2024 dans la péninsule de Noto, qu’ils considèrent comme un signal d’alerte.
Pour eux, le nucléaire ne garantit ni la sécurité, ni une véritable autonomie énergétique, car l’uranium reste importé.
Le redémarrage de Kashiwazaki-Kariwa représente donc un pari risqué mais stratégique pour Tokyo. Il symbolise la tension entre modernisation énergétique, risque naturel et mémoire collective.
Dans les prochains mois, ce choix pourrait devenir un test national de l’acceptation — ou non — du retour massif du nucléaire au Japon.
Le Hautpanel
