La Grande Mosquée de Paris, symbole de l’islam en France, se trouve aujourd’hui 26 janvier au centre d’une polémique grandissante qui secoue les relations franco-algériennes. Alors que son rôle spirituel est incontestable, sa gestion et ses liens avec l’Algérie suscitent de plus en plus d’interrogations.
Le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, un Algérien assumé, défend fermement les liens historiques et « forts » entre cette mosquée et l’Algérie, jusqu’à évoquer une « double appartenance franco-algérienne ». Un propos qui fait écho à des débats complexes sur les frontières entre foi, politique et souveraineté.
La mosquée, édifiée dans les années 1920 grâce à un financement majoritairement marocain, semblait avant tout un lieu de rassemblement spirituel pour les musulmans de France, sans appartenance exclusive à une nation. Mais au fil des années, un changement de ton s’est opéré. Aujourd’hui, le recteur Hafiz semble confondre les intérêts religieux des musulmans de France avec ceux de l’Algérie, un pays qu’il défend publiquement.
En affirmant que l’Algérie a restauré l’édifice en ruine depuis 1982, il oublie cependant un détail important : la Mosquée de Paris appartient au Maroc, qui en est le propriétaire foncier, et son architecture porte encore les traces indélébiles des artisans marocains. Ces éléments historiques font naître des questions : pourquoi cette « double appartenance » à l’Algérie et non une reconnaissance du rôle du Maroc ?
Mais ce qui provoque une vive réaction en France, ce sont les liens économiques tissés entre la mosquée et l’Algérie. Depuis 2023, la Grande Mosquée de Paris a été désignée par l’Algérie pour gérer l’exclusivité de la certification « Halal » pour les produits français et européens destinés à l’exportation vers ce pays.
Cette situation soulève un véritable tollé dans l’Hexagone. Des milliers d’entreprises européennes sont désormais contraintes de payer des droits à la Mosquée pour obtenir cette certification, même pour des produits qui, à première vue, n’en ont pas besoin, comme des biscuits ou des produits laitiers. Certains critiques dénoncent cette pratique comme une forme d’extorsion ou un droit de douane déguisé qui pénalise les industriels.
Dans ce contexte, Chems-Eddine Hafiz se défend vigoureusement. Il rejette l’accusation de créer un système commercial en affirmant que son rôle est uniquement religieux.
Il se positionne en défenseur de la réconciliation entre la France et l’Algérie, dénonçant les oppositions qui, selon lui, cherchent à nuire à l’apaisement des relations entre les deux nations. Pourtant, son discours continue d’alimenter les soupçons et renforce les doutes sur les véritables intentions de la mosquée.
Au cœur de ce débat se trouve une question fondamentale : la Grande Mosquée de Paris est-elle, comme le suggère son recteur, une institution à vocation internationale, s’inscrivant dans une double appartenance, ou doit-elle rester avant tout un lieu de culte, respectueux des équilibres religieux et géopolitiques ?
La situation soulève des enjeux de souveraineté, de pouvoir économique et d’identité culturelle. Loin d’être un simple conflit local, cette affaire touche à la conception même du rôle des institutions religieuses dans un contexte de tensions politiques internationales.
Alors que certains voient dans cette gestion une manière de renforcer l’influence algérienne, d’autres y perçoivent une occasion unique de réconcilier deux pays par le biais du religieux. Une chose est certaine : l’histoire de la Grande Mosquée de Paris ne cesse de se réécrire, au gré des événements politiques et des passions qui traversent la société française.