L’Assemblée nationale congolaise a récemment dévoilé un rapport accablant sur la gestion des dépenses publiques pour l’exercice 2023, révélant des dépassements budgétaires et des pratiques financières préoccupantes. Sous la direction de Vital Kamerhe, Président de l’Assemblée Nationale, une commission parlementaire a examiné de près l’exécution des crédits budgétaires et a relevé plusieurs irrégularités qui remettent en question la gestion des ressources de l’État.
Dépassements Budgétaires et Utilisation Injustifiée des Crédits
La commission a observé des dépassements des crédits massifs atteignant 15 467,26 milliards de CDF, répartis entre 1 454,99 milliards pour les institutions et 14 017,27 milliards pour les ministères. Outre ces dépassements, un montant total de 16 261,51 milliards de CDF est resté sous-consommé, alors même que les secteurs prioritaires du pays devaient nécessairement recevoir des financements urgents.
Par ailleurs, des dépenses non prévues au budget d’une valeur de 5 036,18 milliards de CDF ont été exécutées, et un montant de 451,2 milliards de CDF a été affecté au remboursement de la dette intérieure non certifiée. De surcroît, une procédure d’urgence a été utilisée pour le remboursement d’une dette publique intérieure de 778 milliards de CDF. Ces dépenses non certifiées et le recours abusif à la procédure d’urgence pour les décaissements (51,22 % du total) montrent un manque d’orthodoxie budgétaire préoccupant.
Des Financements Inégaux et une Priorité Accordée aux Intérêts Particuliers
L’Assemblée a également mis en lumière la faible exécution des dépenses en capital, qui n’ont atteint que 77,44 % des crédits prévus. En revanche, les dépenses courantes ont dépassé les prévisions de 18 679,14 milliards de CDF, atteignant un taux d’exécution de 109,78 %, soit 20 506,47 milliards de CDF.
Vital Kamerhe a souligné un déséquilibre frappant dans l’allocation des ressources, notamment pour le Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T). Ce programme n’a retenu que de 92,10 milliards de CDF, soit seulement 6,96 % de son budget initial de 891,69 milliards de CDF.
« Allouer seulement 89 milliards de dollars au PDL-145T, soit 6 % du montant nécessaire, alors que 450 milliards sont consacrés à des dettes non certifiées, est une preuve de dérive budgétaire au profit de quelques-uns », a-t-il déploré.
Imputations Erronées et Fraude dans la Répartition des Fonds
Une autre préoccupation majeure soulevée par la commission concerne la répartition frauduleuse des fonds aux provinces et aux entités territoriales décentralisées (ETD). D’après le rapport, des transferts de fonds déclarés n’ont jamais été reçus par les provinces ni les ETD, ce qui soulève des soupçons de détournement ou d’utilisation abusive des ressources publiques. Kamerhe a signalé cette mauvaise gouvernance en affirmant que « les dépenses d’urgence et les transferts inexacts de fonds compromettent la transparence et la crédibilité de l’État ».
Appel à une Gouvernance Budgétaire Stricte
Le rapport de la commission parlementaire souligne enfin que seulement 49 % des dépenses ont été exécutées en conformité avec les règles budgétaires établies. Face à cette situation, Vital Kamerhe appelle le gouvernement à mettre fin à ces pratiques de gestion d’urgence et à instaurer une discipline budgétaire stricte pour garantir l’utilisation efficace des ressources de l’État. “Nous avons découvert des dépassements budgétaires incroyables qui se concentrent dans quelques secteurs, tandis que d’autres restent négligés”, a-t-il conclu.
Ce rapport de reddition des comptes met en lumière les défis majeurs auxquels fait face la gouvernance financière en République Démocratique du Congo et invite à une réflexion profonde sur les priorités budgétaires présentes et futures.
Le Hautpanel